EPICHLORYDRINE

 

une pièce de Patrice Salzenstein avec

Ayrton Bénard                                                       Léopold

Patrice Salzenstein                                              Le manant

Isabelle Cauwet                                            Epichlorydrine

Aline Germain-Bonne                                    Hédoninithique

 

pièce jouée pour la première fois au Café-Théâtre "Les Visiteurs du soir" à Lille

le vendredi 17 décembre 1993

ACTE I

 

Scène 1:

 

            Un personnage entre soudain sur la scène, vêtu d'un survêtement bleu et d'un bob blanc, et chaussant une paire de pantoufles. Il porte une moustache.

 

Léopold:

 

            Ma voiture! Où est ma voiture? Qu'avez-vous fait de ma voiture? Eh... Mais je comprends pas. J'étais garé là. Je nettoyais ma voiture... Mais où est donc passé ma voiture?... Et la patronne qui m'attend pour bouffer! Elle va encore râler. Je sais bien, elle va me dire:

 

Une voix de femme:

 

            Mais où est-il encore aller s'fourrer? Ah! Ça-y-est, tu reviens du bistrot! Bah! Beurk! Tu pues le mauvais Ricard!

 

Léopold:

 

            ...comme s'il existait du mauvais Ricard! Autrefois, déjà, elle me disait:

 

Une voix de femme:

 

            Ah! C'est du joli, tu es encore parti courir la gueuze. Et ton devoir conjugal! Débarbouille-toi et viens me rejoindre au lit!

 

Léopold:

 

            Mais depuis j'ai vieilli. ( montrant alors son ventre ) Comme du mauvais vin. Tout ce qu'elle veut, c'est avoir la paix. Moi par contre... Je suis prêt pour l'amour.

            Mais hélas, hélas! Qu'est-c'qu'elle va dire? Qu'est-c'que j'vais prendre! Et j'ai déjà peur de son rouleau à pâtisserie! Mais ma voiture! Ma voiture! ...Où suis-je? Ben oui. Je ne comprends pas. Je suis là comme un con, à parler tout seul. Je ne sais même pas ce qui s'est passé. Où suis-je? Ah! Oui! Je nettoyais ma voiture et PAN! Pif, paf, pof. J'en passe. Ping, pung, paung. Et des meilleures...

            OUH! Ouh là là! Ouh là là là là! Je comprends pas... Ah!... Ce petit objet. CE PETIT OBJET. J'étais au volant. Je l'ai ramassé. Je venais de mettre le contact. Et quand je l'ai fait. Il a émis un bruit strident. Pour les oreilles, bonjour! Une lumière blanche. Tout est devenu flou, indistinct, autour de moi. Tout s'est brouillé. J'avais l'impression que la réalité ressemblait à un écran de télé, le soir, après les dernières émissions. D'ailleurs, en général, ces temps-ci, la réalité ressemble beaucoup à la télé.

            Autrefois, on y voyait des grands prix de formule 1. C'était l'époque grandiose d'Alain Prost. Et puis, il y avait l'autre. Vous savez, celui qui ne fait pas la pub pour un savon dans sa baignoire... Comment s'appelait-il? Ah! Oui! Ayrton.

            Petit à petit, ils ont remplacé les bonnes vieilles émissions sportives par des mauvais trucs. Ils... Qui au juste? Le gouvernement: ceux qui ont libérés Boccassa et instauré le partage du chômage.

            Autrefois, on croyait à quelque chose. A Lille, même, les foules étaient descendues dans la rue pour acclamer la victoire de l'O. M. en coupe d'Europe. Le football, c'était le rêve. On y croyait. Ils ont même réussi à tuer le rêve. Nous sommes retombés dans la grisaille de tous les jours.

            Et moi! J'avais encore ma voiture! Et je n'ai plus rien. Je ne peux même pas dire: "Et c'est comme ça que je me suis retrouvé, ici, à Lille". Je ne suis plus à Lille! Il s'est passé quelque chose. J'ai basculé quelque part. Ce n'est pas un déplacement ordinaire. Putain, oui, mais c'est bien sûr! Il s'est passé quelque chose! Je comprends pas. Je n'ai pas l'impression d'avoir bougé...

            Si j'n'étais pas seul, je demanderais aux autres leur avis. Je ferais un tour de table, en quelque sorte.

            Je suis seul, il est vrai. Mais aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas le nombre des années.

            Je suis seul. Donc. Je vais faire un tour sur moi-même. C'est toujours ce que j'ai toujours fais au moment de prendre des décisions importantes.

            Je m'souviens. Il y avait du monde. J'étais là avec ma brunasse. Peut-être que je l'aimais. En tout cas, ça m'saoulait de rester avec elle. Alors, à un moment, j'ai fais un tour sur moi-même. ( Il fait un tour sur lui-même ). Au revoir, Mademoiselle! ( Révérence ) Et je suis sorti.

            Je n'l'ai pas revu. Je m'suis même marié depuis. J'ai fait un tour sur moi-même. Quelque chose me dit que cela a son importance.

            Où suis-je?

            D'où je viens?

            Combien de temps me reste-t-il à vivre?

            En fait, je me pose ainsi les questions que nous nous posons tous...

 

 

 

 

 

Scène 2

 

            Un second personnage arrive sur scène. Tout laisse penser qu'il est sorti tout droit du moyen-âge.

 

Le manant:

 

            Fichtredieu! Qui c'est qu'c'est qui m'a botté le popotin! Aï aï aï! Aï aï aï! Vain Dieu!... ( il marque un temps d'arrêt et de surprise, ayant remarqué qu'il n'étais pas tout seul )

            Monseigneur! Pour c'estoit que quoi me retrouvais-je ci-donc? Que quoi donc c'estoit passé?

            Beuh! Beuh! Je regardais mes bœufs, mes deux bœufs! Quand... Diable sortilège. Am stram gram et saperlipopette. Me voilà en proie soudain, ci-donc à disparaître.

            Plus rien autour de moi. Plus de charroi. Plus de bœufs. Plus de terre...

            Plus rien autour de moi, que vous, ma seigneurie... ( Il se marre )

            Vous semblez habillé de façon si grotesque, que je m'en retrouve en proie à fou- rire.

            Daignez donc écouter un pauvre manant, qui place en vous plus de respect que dans l'entretien de mes dignes loques!

            Mais, digne personnage, à quel seigneur ai-je donc ainsi à faire?

 

Léopold:

 

            Eh, M'sieur! Vous avez un problème? Vous parlez d'une drôle de façon!

 

Le manant:

 

            Je suis un drôle. Mais d'aventure un paysan. J'appartiens au seigneur du rot-au-vent. Mais, je suis habile...

 

Léopold:

 

            Mais non! Nous n'sommes plus à Lille. Je ne sais pas où nous sommes, d'ailleurs...

 

Le manant:

 

            Sieur-en-bleu-et-bonnet-blanc! Je n'ai pas parlé que j'estois sur une île, mais habile, comme foule se doit un artisan.

 

Léopold:

 

            Putain je comprends pas c'que tu dis! Tu parles d'une drôle de façon.

 

Le manant:

 

            Morte-couille! Diantre! Câtin! Je n'escribe pas comme les moines de la colline au camembert, mais ma foi, j'entends bien la langue de Rabelais!

 

Léopold:

 

            Mais enfin! Comment peut-on s'exprimer comme cela à notre époque? De quel village, de quelle banlieue viens-tu?

 

Le manant:

 

            Je viens de la ferme Dupire, dans nostre brave bourgade d'Ascq-lez-Lille.

 

Léopold:

 

            Tu veux dire que tu viens de Villeneuve d'Ascq?

 

Le manant:

 

            Sieur-en-bleu-et-bonnet-blanc! Je ne saisis pas le sens de quoi est-ce-que tu parles.

            Ci, c'est l'Artois qui domine le pays, et les fragonards qui blasphèment, ne sont bons qu'à être pourfendus.

            Parles-tu espagnol?

 

Léopold:

 

            Si. Hablo español. Je l'ai appris en seconde langue: deux ans au collège. Après l'anglais...

            Eh oui! Comme tout le monde!

 

Le manant:

 

            Sus à l'Espagnol! Ils ne sont bons qu'à être pourfendus!

 

Léopold:

 

            Eh! Calme-toi! Je suis un bon Français: n'as-tu pas remarqué que j'avais un survêt, et des moustaches. J'ai aussi un chien, un berger allemand, et une voiture, une Ford Escort...

 

Le manant:

 

            Je ne comprends plus rien!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ACTE II

 

Scène 1

 

Epichlorydrine:

 

            Ah merde! Ils sont en train de se battre. J'avais pas prévu ça...

( Elle s'interpose entre les deux hommes )

            Messieurs! Messieurs! Un peu de calme s'il vous plaît!

 

Léopold:

 

            Qu'est ce qui quoik?

 

Epichlorydrine:

 

            A tous deux, je vous demande un peu d'attention. Il faut que je vous explique quelque chose, de la plus haute importance.

            Cela va vous paraître assez incroyable. Tout d'abord, je voudrais savoir si vous comprenez bien où vous êtes et ce qui vous arrive actuellement?

 

Le manant:

           

            Qu'est-ce que c'est que j'dois comprendre par ces paroles gente dame?

 

Léopold:

 

            Qu'est-ce que vous voulez dire par là, ma bonne dame?

 

Epichlorydrine:

 

            Bon. Je vais vous expliquer. Ça va vous surprendre, mais tous les deux, vous êtes tombés dans une faille temporelle.

            Vous, vous avez été arraché par mégarde au moyen-âge; et vous, vous avez été arraché à l'époque de la cinquième république française.

            Cette machine existe depuis longtemps. Elle a été construite sur le principe d'une faille temporelle à accélération contrôlée.

            Vous voilà donc projetés, avec moi, vers le futur. 

 

Léopold:

 

            Mais eh! Les machines à remonter le temps, ça ne peut pas exister. Physiquement, c'est impossible!

 

Epichlorydrine:

 

            En un certain sens, d'après les données physiques de votre époque, vous avez raison. Cependant, nous sommes dans une machine qui ne peut exister que dans un sens. Elle ne peut projeter ses utilisateurs, que vers le futur.

            Evidemment, il n'y a aucune possibilité de retour en arrière.

            Il semble que cette machine ait été construite il y a très longtemps, lorsque des Etres intelligents, venus d'une lointaine galaxie, ont déposé sur la Terre des particules biologiques, susceptibles d'évoluer vers des formes intelligentes, telles que nous...

 

Le manant:

 

            C'est nous les formes intelligentes, wouarf, wouarf!

 

Epichlorydrine:

 

            Moi, mon rôle, c'est de vous expliquer tout cela. Je viens de votre futur. Je suis montée dans la machine peu après vous. Mon rôle à moi, et j'ai été formée spécialement à cela, c'est de vous préparer psychologiquement, pour que vous ne soyiez pas trop dépaysés en sortant de la machine. Il ne faut pas trop tarder! Car d'autres utilisateurs veulent aussi se servir de cette machine.

            Moi-même, je ne sais pas où nous allons descendre. A mon époque, je viens du XXIIIème siècle, nous venons tout juste de découvrir l'existence de cette machine et nous essayons de récupérer les personnes du passé intermédiaire, égarées dans la faille temporelle.

            Il vous faudra donc descendre avec moi vers le XXVIème siècle, époque inconnue...

            Cependant, nos sociologues ont prévu le type de sociétés que pourrait connaître la planète à cette époque...

            Tout-à-l'heure, lorsque vous allez descendre, il faudra mettre de côté individualisme, racisme, nationalisme, et autre machisme.

            Attention à vous! Les Etres humains de l'époque à laquelle nous allons descendre vivent une vie sexuelle très émancipée. Je ne dis pas qu'on va vous sauter dessus, mais, méfiez-vous!

            Le racisme n'est plus du tout toléré. Il faut savoir maintenir d'excellentes relations avec les extraterrestres et autre mutants, pour des raisons politiques et pacifiques, évidemment.

            Vous aurez également la possibilité, voire l'obligation de participer aux activités humaines. Il ne s'agit pas de travail, qui n'existe plus en tant que tel, mais d'activités de contrôle, de recherche, ou d'autogestion..

 

Le manant:

 

            Plus de corvées! Plus de dîme, plus de gabelle!

 

Léopold:

 

            Plus de TVA! Plus d'impôts! Mais... Plus de boulot! C'est le chômage généralisé?...

 

Epichlorydrine:

 

            Mais non, mais non! Nous serons pris en charge par des assistantes sociales qui nous expliqueront les us et coutumes, les manières et les civilités de l'époque.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 2

 

 

Léopold:

 

            Je ne suis pas sûr, Madame, d'avoir tout compris.

            Il est temps de se présenter mutuellement. Je suis Léopold Roman.

 

Le manant:

 

            Et moi, je suis un manant du seigneur du rot-au-vent.

 

Epichlorydrine:

 

            Je suis Epichlorydrine De Glycérol.

 

Léopold:

 

            Et si j'comprends bien, vous êtes montée dans cette machine, et... Vous en descendrez avec nous, également.

 

Epichlorydrine:

 

            C'est exactement cela.

 

Léopold:

 

            Et qu'est-ce que vous faisiez dans la vie, avant de vous retrouver dans cette machine?

 

Epichlorydrine:

 

            J'ai été chimiste, dans la vieille ville d'Euralille. Ensuite, j'ai suivi une formation spéciale pour aiguiller les gens égarés dans la machine temporelle.

 

Léopold:

 

            Mais. Euh... Vous êtes... Enfin, je veux dire... Vous avez un p'tit ami?

 

Epichlorydrine:

 

            Quelle indiscrétion! En fait, non, justement, puisque j'ai été désignée volontaire pour cette machine...

 

Léopold:

 

            Mais, vous savez, vous ne serez plus seul, même quand nous descendrons, au XXVIème siècle, je vous aiderai à affronter tous les dangers!

 

Epichlorydrine:

 

            Oh! Vous savez! Déjà, à mon époque, beaucoup de dangers ont disparu, si l'on compare à la vôtre. Sexuellement, même, cela fait longtemps que les petites frustrations de votre vie de tous les jours ne sont plus de mise.

 

Léopold:

 

            Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

 

Epichlorydrine:

 

            Hum... Bon, vous ne m'avez pas compris. C'est pas grave.

            Il va falloir songer à descendre de cette machine temporelle. Nous ne sentirons rien...

            Au fait, vous deux! Vous savez comment fonctionne la machine?

 

Le manant:

 

            Hein? oui... Laquelle?...

 

Léopold: ( en le repoussant )

 

            Ben non menteur!

 

Epichlorydrine:

 

            La machine fait tourner chaque particule élémentaire qui nous compose sur elle-même, à une vitesse très grande... Ceci sous l'action d'une énergie énorme... Cette énergie provient du passé... Une supernova, ou quelque chose dans le genre...

 

Léopold:

 

            Eh! Mais j'veux descendre! Est-ce que j'avais une tête à tomber dans une faille temporelle?

 

Epichlorydrine:

 

            Ce petit objet... Nous allons revenir à une vitesse temporelle normale grâce à ce petit objet...

 

            ( elle ouvre la petite boîte, ce qui produit un petit bruit, et une petite fumée se dégage... )

ACTE III

 

 

Scène 1

 

Le manant:

 

            Le Mâlin! Les esprits malfaisants vont nous anéantir! Jésus Christ! Et la Sainte vierge notre bien aimée ne l'entend pas!...

 

Hédoninithyque:

 

            Bienvenue à vous, chers ancêtres!

 

Le manant:

 

            Qui êtes-vous? Fée ou sorcière?

 

Hédoninithyque:

 

            Hédoninithyque De Mont Rigault. Pour vous servir... Bienvenue au XXVIème siècle!

            ( Elle vaporise quelque chose sur les trois autres personnages successivement )

 

Le manant:

 

            Quelle est cette nouvelle diablerie!

 

Léopold:

 

            Eh! Je ne sors pas des chiottes!

 

Epichlorydrine:

 

            Pourquoi vaporisez-vous quelque chose sur nous?

 

Hédoninithyque:

 

            Malgré tout le respect que je vous dois, vénérables ancêtres voyageurs, convenez, que je veuille protéger mon époque de tous les microbes et bactéries que vous pourriez transporter sur vous.

            Ceci n'est qu'une simple précaution. Je ne résisterais pas une seule seconde à la peste ( en montrant le manant ), au rhume ( désignant Léopold qui tousse ) ou à l'irradiation ( montrant Epichlorydrine ).

 

Léopold: ( s'adressant à Epichlorydrine )

 

            T'étais à Tchernobyl?

 

Hédoninithyque:

 

            Vous ignorez qu'une guerre nucléaire localisée a eu des conséquences fâcheuses... Les survivants ont parfois muté. Certains d'entre nous sont même partis vivre ailleurs...

            Les autres ont été sauvé grâce à leur individualisme.

 

Epichlorydrine:

 

            C'est-à-dire?

 

Hédoninithyque:

 

            Eh bien, ils étaient tellement individualistes qu'ils se sont unis pour survivre.

 

Epichlorydrine:

 

            Ça ne veut rien dire...

 

Hédoninithyque:

 

            Mais si. Ils ont compris que l'intérêt général, c'était la seule façon de survivre en tant qu'individu.

            ( Léopold et le manant se sont assis, la tête dans les mains, ils semblent déprimés ou pensent )

            Eh! Regarde-les donc, ils ont trois cents ou mille ans de plus que nous...

 

 

Scène 2

 

            ( Le manant sort un objet de valeur )

 

Léopold:

 

            Eh, mais dis moi! Ça vaut du pognon, c'truc!

 

Le manant:

 

            Ma foi, ça ne vaut que son pesant d'or...

 

Léopold:

 

            Ce qui est déjà pas mal. Mais manant, j'suis sorti sans mon chéquier. Ici, il va falloir du pèze...

            Je vais te le gagner à la loyale. Tu sais jouer à la belote de comptoir?

 

Le manant:

 

            Nenni. J'ai été moult fois m'abreuver de bière aux comptoirs des tavernes, mais sur l'évangile, jamais je n'ai joué à la...

 

Léopold:

 

            ...belote de comptoir. Regarde, c'est simple. Tiens, prends une carte!...

            Pose une carte, n'importe laquelle!

            C'est bien, c'est bien!

            Bon, maintenant, montre-moi ton jeu!

            Allez!

            Tu as perdu, ha ha ha! Tu as perdu!

            Allez! Donne-moi donc ce bracelet...

 

 

Scène 3

 

Epichlorydrine:

 

            Nos ancêtres étaient des roublards, vous voyez!

 

Hédoninithyque:

 

            Oh! Cela n'a plus aucune espèce d'importance. Cela fait belle lurette que nous n'utilisons plus de monnaie pour nous procurer ce dont nous avons besoin... Les échanges ne se font plus qu'entre les différentes peuplades de l'espace.

            Tenez! Les Xuons méthaniens de la confrérie de la Grande Ourse sont friands de nos tableaux holographiques. Et nous aimons tous leurs parfums délicats.

            Les poissons du Centaure importent notre eau de mer pour s'y enivrer et nous livrent en échange leur fameux opéraquatiques.

 

Epichlorydrine:

 

            Tout cela doit être certainement très joli.

            Mais, au fait. J'ai une question à vous poser: vous n'ignorez pas qu'à mon époque, on a pratiqué quelques "expériences" biologiques sur les humains. On parlait de la possibilité pour les femmes de se passer des hommes pour se reproduire...

 

Hédoninithyque:

 

            Ah! C'est vrai! Alors, vous ne saviez pas...

 

Epichlorydrine:

 

            Quoi donc?

 

Hédoninithyque:

 

            Eh bien, il n'existe plus que des femmes . Les derniers hommes ont disparu, après être tombé dans l'oubli. Ou bien, ils partirent vivre ailleurs.

            Ensuite, la société a connu un grand développement... Ce fut une époque flamboyante... On jouait alors, entre femmes, aux jeux de l'amour.

            C'est justement à cause de cela que les premiers problèmes ont recommencé. Il y avait celles qui disaient qu'on n'aurait pas dû supprimer l'Homme.

            Hélas! Il n'y avait plus d'hommes.

            Comment faire correctement l'amour dans ces conditions-là?

 

Epichlorydrine:

 

            Ainsi, nos sociologues avaient raison.

 

Hédoninithyque:

 

            Comment cela?

 

Epichlorydrine:

 

            Lorsque l'on a découvert l'existence de cette machine, il s'est avéré que c'était peut-être la seule solution, le seul garde-fou, contre ces "expériences" biologiques.

            Après avoir démontré l'existence de la faille, il ne restait qu'à prouver qu'un homme banal pouvait parfois être sorti de son univers quotidien... Il ne restait qu'à le faire descendre de la machine au moment choisi comme statistiquement opportun.

            Ainsi, ces deux hommes vont nous permettre de revenir à une situation normale.

 

Hédoninithyque:

 

            Elle est belle l'humanité de demain!

 

Epichlorydrine:

 

            Tout homme est récupérable.

 

Hédoninithyque:

 

            Le croyez-vous?

 

Epichlorydrine:

 

            Je l'espère.

 

Hédoninithyque:

 

            Merci.

 

 

EPILOGUE

 

Le manant:

 

            Et qu'est-ce qu'on fait nous là dedans?

 

Léopold:

 

            Regarde, c'est des intellectuelles. Elles vont être dures à brancher.