LE DERNIER DES DOCKERS

 

une pièce de Patrice Salzenstein

 


avec

Eric Lheurette            Daniel Gigot (le dernier des dockers)

Ayrton Benard                                            Momo (le Dealer)

Nathalie Gandon                                                   L'éducatrice

Lahcen Guerroua                                     Le musicien Lahcen

Patrice Salzenstein                                        Le contremaître

 

 

Première de la pièce le 16 mai 1994

à la Grange de la ferme Dupire à Villeneuve d'Ascq


 

 


ACTE I

 

SCENE I

 

 

            Un personnage apparaît sur scène, vêtu d'un costume sombre

 

 

Le contremaître:

 

            Les vagues se brisent toujours de la même façon. Pourtant, les continents dérivent. Il y a plein de choses imperceptibles, irréversibles.

            A Dunkerque, sur la plage, marée après marée, le phare clignote toujours de la même façon. Aux marées noires succèdent les sachets de pesticides.

            On entend: "Un container à la mer!".

            Au placard les petits chalutiers et les marins bretons! Et reviennent à quai, tous ces cargos panaméens et ces bateaux-usines, en toute complaisance.

            Au diable la législation internationale!

            Nous travaillons au pourcentage, à la prime.

            Finie, la semaine des trente-neufs heures! Fini, le nombre d'heure à l'année! On ne prend sa retraite que lorsque l'on a travaillé un certain nombre d'heures dans sa vie professionnelle.

            Les temps ont bien changé.

            Docker. Oui, docker. J'ai commencé docker.

            L'attente des navires, les parties de cartes, les beuveries... La bonne bière Belge, les bonnes blagues, les chahuts... Les filles et les promenades romantiques sur le môle.

            Ah! Ça vous fait des souvenirs. Je ne vais pas vous faire le blues du contremaître.

            Nous n'embauchons plus que des intérimaires.

            Oh! J'ai eu mon heure de gloire. Et j'ai saisi une opportunité. Contremaître! Quelle chance! Et j'ai fêté ça comme il se devait...

            Ensuite, j'ai fait ce qu'on m'a dit de faire. Déréglementation aidant, je ne commandais plus que des précaires, des intérimaires et quelques dockers.

            J'ai des ordres. Le patron du port m'a dit d'annoncer à Daniel qu'on avait plus besoin de lui.

            Bah! Daniel, c'est'un brave type. Il se débrouillera bien sans ce boulot. Enfin, j'espère pour lui...

 

 

 

SCENE II

 

 

            Un homme apparaît sur la scène. C'est Daniel, un docker avec des docks.

 

Daniel:

 

            ... J'préfère!

 

Le contremaître:

 

            Ah! Vous voilà! Je vous attendais.

 

Daniel:

 

            Eh! Qu'est-ce-que tu m'veux, toi?

 

Le contremaître:

 

            Bon. Ecoutez! Nous nous connaissons depuis longtemps. Vous vous souvenez? C'est moi qui vous ai embauché.

 

Daniel:

 

            Ouaip!

 

Le contremaître:

 

            J'n'ai pas toujours été un chien. Le mois dernier, vous aviez eu droit à la prime.

 

Daniel:

 

            Ouaip!

 

Le contremaître:

 

            Ça faisait une somme rondelette, tout de même!

 

Daniel:

 

            J'ai rien reçu.

 

Le contremaître: (il marque un temps d'hésitation)

 

            Ah oui! C'est vous dont il s'agissait. Votre numéro de compte bancaire se termine par un "1". Au service paie, quand ils ont eu votre R.I.B., ils n'ont pas pu s'en servir. Ils ont pris le "1" pour une barre verticale... Mais tout ça c'est pas bien grave.

 

Daniel:

 

            C'est vous qui l'dites!

 

Le contremaître:

 

            Il y a plus important. Comment vous l'annoncer?

 

Daniel:

 

            Vous, vous n'avez pas la conscience en paix. C'est pas clair. D'ailleurs, j'ajouterai que vous avez au moins une mauvaise nouvelle à m'annoncer...

 

Le contremaître:

 

            Ben, à vrai dire,... Ou plutôt, à dire vrai...

 

Daniel:

 

            Ah! Vous bafouillez!

 

Le contremaître:

 

            Bon, en fait, en vérité je vous le dis, soyons francs, sans faire de détours inutiles,... Ne m'en tenez pas trop rigueur...

 

Daniel:

 

            Allez! Dites-moi tout!

 

Le contremaître:

 

            Euh... Vous êtes virés.

 

Daniel:

 

            Hein?!

 

Le contremaître:

 

            Vous êtes virés. Ne m'regardez pas comme ça! J'vous le répète: vous êtes virés.

            Bien entendu, ne nous ennervons pas! Vous aurez droit à l'indemnité légale de base, et tout le tralala.

 

Daniel:

 

            Mais! Eh! Qu'est-ce-que j'vais devenir?

 

Le contremaître:

 

            Mon brave! Vous allez vous en sortir. Croyez-moi, le patron, il en a gros sur la patate. Ça le fait chier de vous licencier. Et moi donc! Au fond, je vous aime bien.

 

Daniel:

 

            C'est vous qui le dites!

 

 

Le contremaître:

 

            Que voulez-vous? C'est la crise! C'est la faute au bon Dieu... Oh! Excusez-moi, je blasphème.

            Bon, allez! Maintenant, je vous laisse. J'ai à faire à présent. Bonne chance!

 

 

 

SCENE III

 

 

 

Daniel:

 

            Incroyable. Incroyable. Je me retrouve projeté dans une réalité que hier encore, je n'aurais même pas soupçonné. Force est de constater, et je constate qu'avec force, on m'a viré. Que moi, oui moi, Daniel Gigot, je me retrouve sans travail! Que moi, qui hier encore, frimais dans les bars, moi qui disais: "Je suis le dernier des dockers. Y m'ont gardé moi, M'sieur!". Maintenant, je crois que je ne sers plus... à rien.

            Il faut s'attendre à tout dans la vie, même à l'imprévisible. C'est bien simple. C'est une sorte de grand Carnaval, que j'ai vécu, moi, déguisé en marin des jetées, en docker.

            Des conneries, j'en ai faites quelques unes. J'ai jeté mes mégots dans les eaux bleues du nouveau port. J'ai pissé de la bière à dix balles. Pourtant, ceux qui vivent dans la mer, je les aime bien. Y me ressemblent.

            J'me souviens, le vendredi, je zonais dans le centre commercial. Que veux-tu que je fasse de mes pauses? La nuit, je rêve encore des roues des caddies sur les feuilles de salade de la veille. Il se passe un truc bizarre là-bas. Dans tous les supermarchés, il y a bien un rayon poissonnerie. Mais le nôtre, figurez-vous qu'il se déplace avec la marée. Figurez-vous qu'il se déplace... avec la marée. Il ne se trouve pas au même endroit suivant qu'on y va le lundi ou le mardi. Il recule. Il ne se trouve pas au même endroit suivant qu'on y va le matin ou le soir. Il bascule. Attention! Faut pas me faire dire ce que j'ai pas dit. Je ne dis pas que le rayon poissonnerie, il bouge avec la marée. Il n'empêche que d'un côté, il y a le rayon poissonnerie qui bouge, parce que je l'ai vu. Et de l'autre côté, il y a la marée. Il n'y a quand même pas de secrets.

            C'est bien simple, je me cache entre les pardessus, parce que les pardessus c'est grand, si bien qu'on peut s'y cacher. Et quand tous les étalages se retirent pour reprendre leur élan, et bien, j'ai plus qu'à me baisser pour ramasser les algues et les poissons morts sur la grève.

            Un jour, les poissons ont fait grève. Vide le rayon, plus rien. En Bretagne, on ne trouvait plus que des détonateurs. A Dunkerque, des pesticides. Il y avait le choix!

            De toute façon, je n'ai pas compris grand chose. Je crois bien que les pêcheurs Bretons, ils ont manifesté à Paris pour l'école publique. Et il y en avait pleins! Encore plus que vous ne pouvez l'imaginer.

            Imagine. Tu es dans une manif de pêcheurs, et toi, tu les connais tous. Fatalement, vu que tu es le dernier des dockers. Il ne reste plus que toi, et ils t'ont tous vu un jour ou l'autre à marée haute.

            C'est la folie, la FOLIE! Tu serres des mains, des mains de marins, et ils te présentent leur femme. Des femmes de marins. Parce qu'un marin, ça a une femme, sinon il ne reviendrait jamais au port. Tu leur fais les quatre bises. Au bout de la cent millième, t'en fait plus que deux. Et ça continue, ça ne s'arrête pas. C'est pire que le quatorze juillet à Dunkerque. Mais, il me semble que j'entends un rire, un rire...

            Le Carnaval, c'est autre chose. Ils sont déguisés, tu ne les reconnais pas. Les copains, tu peux même pas leur dire bonjour. C'est facile tout ça. Mais de toute façon, les amis, maintenant, ils vont plutôt m'éviter. Quand t'es dans la merde, et c'est bien ce qui m'arrive, tu n'intéresses plus personne, même plus les amis. Vu que t'arrive plus à leur payer une tournée au Café, et de toute façon, ils ne pensent qu'à boire,... à boire.

 

 


ACTE II

 

 

SCENE I

 

            Un type arrive sur scène et tourne autour de Daniel. Jeu de scène.

 

 

Momo:

 

            Tu veux? Tu cherches?

 

Daniel:

 

            Pardon, Monsieur. Vous cherchez quelque chose?

 

Momo:

 

            Ben non. C'est moi qui te demande "est-ce-que tu cherches?"!

 

Daniel:

 

            Se parlant à lui même:

            Ah! C'est peut-être un type qui veut me proposer du boulot.

            A Momo:

            En fait, oui, je cherche!

 

Momo:

 

            Ah bon. C'est cool, ça. J'ai quelque chose à te proposer. 300 balles la dose. T'as d'la chance, depuis l'ouverture des frontières, le cours est passé de 800 à 300 francs. Toute taxe comprise, cela va de soi.

 

Daniel:

 

            Attends. T'as pas compris!

 

Momo:

 

            Je m'appelle p't être bien Momo, mais je sais parler le français.

 

Daniel:

 

            Je veux dire, on s'est pas bien compris. Quand je dis "je cherche", ça veut dire du boulot. Toi, tu me demandes "tu cherches" et tu m'offres de la blanche.

 

Momo:

 

            Sais-tu au moins ce que tu cherches, Gringo? Ça, ce que je te propose, ça n'a pas poussé dans la Drôme. Ça vient tout droit d'Afghanistan, par bateau.

 

Daniel:

 

            Tu sais, de toute manière, que même que je voudrais bien, j'pourrais pas, vu que j'ai pas l'sou, mon gars!

 

Momo:

 

            Attends! Attends! Ne pars pas déjà. Tu sais, on peut toujours s'arranger. Je peux t'en offrir gratos.

 

Daniel:

 

            Alors, là, à la rigueur, je marche.

 

Momo:

 

            Allez! Tiens, prends! Je te l'ai dit, c'est d'la bonne.

 

Daniel:

 

            O.K., merci.

 

Momo:

 

            Et surtout, ne vas pas t'imaginer que la drogue, c'est une pompe à fric...

 

Daniel: (à lui même)

 

            Son histoire de pompe à fric, c'est de la paranoïa...

 

Momo:

 

            Qu'est-ce-que tu marmonnes dans ta barbe? Un problème de compréhension?

 

Daniel:

 

            Je ne disais rien.

            Eh! Coute!

 

Momo:

 

            Hein?!

 

Daniel:

 

            Ecoute, je te dis!

 

Momo:

 

            Je n'entends rien.

 

Daniel:

 

            Ne vois-tu rien venir? Et cette fille, là?

 

 

SCENE II

 

 

L'éducatrice:

 

            Ah, je te retrouve, toi!

 

Momo:

 

            Rien du tout, je constate que tu es encore en train de brancher un pauvre type!

 

Daniel:

 

            Et bien, merci pour le pauvre type.

 

L'éducatrice:

 

            Toi, t'es toi, moi, j'suis moi. Et pour le moment, je ne t'adresse pas la parole.

 

Daniel:

 

            Compris.

 

L'éducatrice:

 

            Momo! J't'avais dit de plus traîner dans le coin. Toujours le sale boulot?

 

Momo:

 

            Le sale boulot, le sale boulot. Ben, faut bien vivre. Dans le quartier, on vit pas mal grâce à l'économie parallèle.

 

L'éducatrice:

 

            Tu vivotes en vendant ta saloperie, tu veux dire?

 

Momo:

 

            Chut! On pourrait nous entendre.

 

L'éducatrice:

 

            C'est vrai! Et d'ailleurs, j'en ai rien à taper que tu retournes en cabane. D'ailleurs, tu sors tout juste de Centrale, si je n'm'abuse?

 

Momo:

 

            Ouais, et en plus, à la centrale, on est moins bien choyé qu'à la résidence de l'I.D.N.

 

L'éducatrice:

 

            Cause toujours mon gars, tu m'intéresses! Ça t'avance à quoi de vendre ta merde?

 

Momo:

 

            Ben...

 

L'éducatrice:

 

            Allez! Tu vas me ressortir tout ton discours, plein de justifications douteuses. Toi, quand tu gagnes cent balles sur le dos d'un pékin, il y en a là-haut qui s'engraissent avec des milliards... Mais ceux-là, ils sont comme des anges, ils ne sont pas inquiétés du tout, et ils bénéficient de soutiens politiques et tout le tralala. D'ailleurs, les hommes politiques, ils sont élus démocratiquement, alors on n'y peut rien.

            On n'y peut rien, et ça, ça craint. Parce que notre action à nous les éducatrices, ça dépend pas mal des subventions qu'on veut bien nous accorder. Le Conseil Général, par exemple. Le droit des femmes à la contraception date de 1967, la gratuité de 1974. Pour l'avortement, c'est un peu plus récent (1975). Si je parle de ça, c'est pour dire que l'action des éducatrices, ça sert à quelque chose. C'est vrai pour le Planning Familial, mais aussi pour d'autres.

            En ce qui me concerne, je suis éducatrice de quartier. J'essaye de faire quelque chose. Tous les jours, je lutte contre cette fatalité qui fait que l'on n'a plus d'espoir...

 

Momo:

 

            En fait, on fait le même boulot. Moi, aux gens, je leur apporte du rêve.

 

L'éducatrice:

 

            Quelques grammes de rêve, contre l'Enfer et l'Overdose au bout du chemin!

            Temps mort. Regard sur scène vers les acteurs, puis vers le public.

            Eh alors! Faut pas faire cette tête-là! Eat, sheet, and die. Il faut manger pour vivre, et dormir pour récupérer...

 

Momo:

 

            Mais toi, t'as du pognon à la fin du mois!

 

L'éducatrice: (dédaigneuse)

 

            Toi, passe ton chemin! Et que je ne te revois plus traîner dans le secteur! Ne reviens plus brancher les passants!

 

Momo:

 

            Allez! Allez! Puisqu'il me semble que je vous importune, Mademoiselle l'éducatrice, et toi, Monsieur le docker, je disparais... Rendez-vous à la case chance!

 

 

 

SCENE III

 

L'éducatrice: (dédaigneuse)

 

            Ouf. Il s'est tiré. Il était temps. Momo, si tu veux, il est humain, sympa, et tout et tout, mais,... il a mal tourné...

            Et toi, comment tu-t-appelle? Tu es docker?

 

Daniel:

 

            Gigot. Gigot Daniel, ex-docker, à votre service.

 

L'éducatrice:

 

            Avec un nom pareil, je t'aurais plutôt vu cuisinier... M'enfin! Dans ce bas monde, beaucoup de gens ont raté leur vocation. Il y a qui auraient voulu être boucher, (elle fait un sourire niais de boucher) et qui finissent bien ministre de l'intérieur!

            Allez viens avec moi! Je vais te montrer un mec qui en a. (Elle montre ses couilles virtuelles)

 

            Ils font semblant de marcher en faisant du sur-place.

 

Daniel:

 

            O.K. je marche avec toi, mais on va où on fait quoi là?

 

L'éducatrice:

 

            Tatatata. T'occupes-pas! C'est pas loin.

 

Daniel:

 

            Eh! Tu es peut-être bien gentille, mais tu me fais marcher.

 

L'éducatrice:

 

            Oh! Dis-donc, mais arrête de râler. On arrive. Tu vois...

 


ACTE III

 

SCENE I

 

            On entends une musique, du tambourin.

 

L'éducatrice:

 

            Encore en train de jouer du darbouka!

 

Daniel:

 

            C'est quoi cet instrument?

 

L'éducatrice:

 

            Tu vois bien mon gars, c'est une sorte de tambour...

 

Lahcen:

 

            Eh oui! En fait, je vous attendais.

 

L'éducatrice: (à Daniel)

 

            Là, tu vois, là c'est la scène où Lahcen entre en scène.

 

Daniel: (il hoche la tête)

 

            Ah bon.

 

Lahcen:

 

            Tu m'amènes le docker, c'est ça?

 

L'éducatrice:

 

            C'est lui, le type, là...

 

 

Daniel:

 

            Daniel Gigot, ex-dernier des dockers, et vous?

 

Lahcen:

 

            Un Être humain, comme nous tous. Alors, c'est de toi dont il s'agit? Un docker licencié, déprimé, ramassé Boulevard du deal?

 

Daniel:

 

            Ne soyez-pas trop ironique avec moi! C'est dur de se retrouver à la rue. Là, je m'interroge, je me pose des questions.

 

Lahcen:

 

            Tu sais, t'as peut-être surtout besoin d'un bon coup de pied au cul!

 

Daniel:

 

            Là, vous y allez un peu fort!

 

 

Lahcen:

 

            Mon lascar, des désespérés, j'en ai connu des tant. Ceux qui veulent pas s'en sortir, je n'en ai rien à foutre. Pas de temps à perdre.

 

Daniel:

 

            Calmos! Moi je suis fatigué. Je suis venu à pied; d'habitude, je ne me déplace que sur la jetée.

 

Lahcen:

 

            Réveille-toi! Assis toi là et ouvre bien grandes tes oreilles! Je vais te jouer un peu de flûte orientale...

 

            Morceau triste, puis enjôleur.

 

 

 

SCENE II

 

Momo: (tout essoufflé)

 

            Ah! Vous êtes là. Je vous avais donné rendez-vous à la case chance... Et bien je suis parti directement en prison, sans passer par la case départ, sans toucher mes 20 000 balles.

 

L'éducatrice:

 

            Momo! Je t'avais dis de déguerpir! Mais d'abord, qu'est-ce-que tu fais là? T'as été relâché?

 

Momo:

 

            Ben faut croire. Moi, je n'suis qu'un pauv'petit dealer inoffensif.

 

L'éducatrice:

 

            Un revendeur minable oui!

 

Momo:

 

            Minable peut-être. On vit comme on peut. Quand on voit ce que nous propose le gouvernement avec ses S.M.I.C.-jeunes et autres C.E.S., autant aller dealer!

 

L'éducatrice:

 

            C'est pas une raison d'abord!

 

Momo: (à Daniel)

 

            Quant à toi, tu vas rire...

 

Daniel:

 

            Pourquoi ça?

 

 

Momo:

 

            Ton chef'ton de contremaître, il a aussi été arrêté. Ils l'ont gardé. Il faisait du trafic de drogue en provenance de bateaux hollandais.

 

Daniel:

 

            Ça alors!

 

Momo:

 

            Ouais. N'empêche que je ne vais pas trop rester moisir ici. Tu vois, moi aussi, j'ai plus de patron, plus de boulot. C'est incroyable. On avait le même chef et on ne le savait pas!

 

Lahcen:

 

            Monsieur le dernier des dealer va me faire le plaisir de déguerpiller avant que je ne le fasse moi-même. Ou alors tu te trouves un job où tu ne formes pas des larves. Je n'en ai rien à foutre des gars comme toi qui ne veulent pas travailler.

 

Momo:

 

            Bon. Plus personne ne veut de moi ici...

            Regardez-vous! Non, Monsieur je ne veux pas travailler quand je vois votre tête. Non mais sérieusement, vous vous êtes regardé! Vous avez vu vos têtes! Quand je vous regarde, tous autant que vous êtes, ça ne me donne pas envie de bosser, mais alors, pas du tout! D'ailleurs, je vous emmerde!

 

L'éducatrice:

 

            C'est ça, tu peux partir. Tu te donnes en spectacle, on t'a assez vu.

 

 

SCENE III

 

L'éducatrice: (à Daniel)

 

            Il est parti. Il ne reste plus qu'à s'occuper de toi...

 

Lahcen:

 

            Installe toi là, mets toi à ton aise. Tu veux boire quelque chose? Je vais te jouer un air plus offensif et moins compatissant, au violon d'ingre. Le goût musical, c'est une question d'éducation.

 

Daniel:

 

            C'est comme tenir sa droite sur les escalators et laisser sortir les gens du métro avant de rentrer...

 

            Les deux autres sont interloqués.

 

Lahcen:

 

            Oui, si on veut, si on veut...

 

            Il joue au violon le temps des cerises.